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Volodymyr Zelensky renonce au rêve de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN

À Berlin, Volodymyr Zelensky a proposé de geler l’objectif d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN en échange de garanties de sécurité occidentales juridiquement contraignantes, au cœur de pourparlers engagés avec des émissaires américains.

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En quête d’une issue à la guerre d’agression russe, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a proposé dimanche 14 décembre de mettre entre parenthèses l’objectif d’adhésion à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), une revendication centrale de Kiev depuis l’invasion de 2022, en échange de garanties de sécurité occidentales « Article 5-like », juridiquement contraignantes. L’annonce, formulée en amont de discussions entamées à Berlin avec des émissaires américains, marque un tournant politique majeur, tant elle touche à l’architecture même de la doctrine de sécurité ukrainienne et à un symbole de souveraineté nationale.  

Selon Reuters, M. Zelensky a rencontré pendant plus de cinq heures Steve Witkoff, l’émissaire de Donald Trump, et Jared Kushner, en marge de pourparlers accueillis par le chancelier allemand Friedrich Merz, avec une reprise des échanges prévue le lendemain. 

Une concession conditionnelle, née d’un mur politique au sein de l’Alliance

Le chef de l’Etat ukrainien ne renonce pas à l’OTAN par conviction stratégique soudaine, mais parce que, dit-il, « certains partenaires » n’ont pas soutenu cette trajectoire. Dans une réponse transmise à des journalistes via un groupe WhatsApp, il présente ce geste comme « déjà un compromis », à condition que l’Ukraine obtienne des garanties bilatérales avec Washington et des engagements parallèles de pays européens, ainsi que d’autres alliés comme le Canada ou le Japon.  

Cette inflexion intervient alors que le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, a encore rappelé début décembre que l’unanimité requise pour l’adhésion de l’Ukraine n’existait pas au sein des Alliés.  

Le poids de la Constitution : un « rêve » devenu clause politique

La portée de la déclaration est d’autant plus forte que la perspective euro-atlantique a été constitutionnalisée. La Constitution ukrainienne mentionne explicitement la mise en œuvre du « cap stratégique » vers une adhésion pleine à l’Union européenne et à l’OTAN, y compris dans les attributions du Parlement et du président.  

C’est l’une des raisons pour lesquelles l’annonce de M. Zelensky, même « conditionnelle », est lue à Kiev comme un signal adressé à Washington : la volonté de bouger sur un point que Moscou érige en casus belli, sans pour autant accepter l’autre pilier des exigences russes, la cession de territoires.  

Des garanties « à la hauteur » de l’Article 5, mais sans l’OTAN

Dans les échanges rapportés par Reuters et l’Associated Press, le président ukrainien insiste sur un point : les garanties recherchées doivent être « légalement contraignantes » et, côté américain, idéalement soutenues par le Congrès, afin d’être plus difficiles à détricoter au gré des alternances politiques.  

La demande ukrainienne est façonnée par une expérience traumatique : le précédent de 1994, lorsque l’Ukraine avait accepté de renoncer à l’arsenal nucléaire hérité de l’URSS en échange d’ « assurances » de sécurité (le mémorandum de Budapest). L’idée qu’un texte non contraignant puisse suffire est aujourd’hui largement discréditée à Kiev, et les partenaires européens le rappellent explicitement. 

L’équation du Donbass : la ligne rouge territoriale tient bon

Si l’ouverture sur l’OTAN rapproche formellement Kiev d’une revendication russe de longue date, le nœud territorial demeure. Moscou exige toujours que l’Ukraine renonce officiellement à l’OTAN et retire ses troupes de la partie du Donbass qu’elle contrôle encore, tout en maintenant sa ligne c’est -à-dire la neutralité ukrainienne et absence de troupes de l’Alliance sur le sol ukrainien.  

Sur ce terrain, M. Zelensky rejette les scénarios jugés trop favorables au Kremlin. Il a notamment repoussé, selon l’AP, une idée discutée côté américain consistant à envisager un retrait ukrainien dans le Donetsk et la création d’une zone démilitarisée / zone économique, qu’il juge « injuste » et « inapplicable ».  

Dans le même temps, il dit considérer qu’un cessez-le-feu sur les lignes de front actuelles pourrait constituer « une option juste », au terme d’un processus évoqué comme un plan en 20 points.

Sans implication américaine, les garanties « ne valent pas grand-chose »

Les capitales européennes, qui cherchent depuis des semaines à amender et « durcir » les projets américains, affichent une prudence mêlée d’inquiétude. Reuters rapporte les réserves du ministre allemand de la défense, Boris Pistorius : des garanties purement déclaratives, et a fortiori sans engagement significatif des Etats-Unis, « ne vaudraient pas grand-chose », au regard des précédents historiques.  

Toujours selon Reuters, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne travaillent à affiner les propositions américaines, dans un moment décrit comme « critique » pour l’avenir ukrainien, tandis que des discussions se poursuivent sur l’usage des avoirs russes gelés pour soutenir l’effort de guerre et le budget civil de Kiev.

Un basculement politique, pas (encore) une capitulation stratégique

Pour Kiev, l’enjeu est d’éviter que le renoncement à l’OTAN ne devienne un simple habillage d’une neutralisation imposée. Le site de l’OTAN rappelle que l’Ukraine a formalisé, au fil des années, une trajectoire visant l’adhésion, réaffirmée notamment après 2022.  

A Berlin, M. Zelensky cherche donc à transformer un « non » de l’Alliance, politique et procédural, en un « oui » à une protection équivalente, mais sous un format nouveau : un parapluie de sécurité qui dissuaderait une nouvelle agression russe sans déclencher, pour les Occidentaux, les contraintes et les risques d’un élargissement immédiat.

Reste que la dynamique est fragile : la guerre continue de dicter son tempo, et la diplomatie, son prix. Dimanche encore, pendant que les délégations se parlaient à Berlin, Moscou et Kiev poursuivaient leurs frappes et leurs opérations, rappelant que toute « architecture de garanties » ne vaut que si elle survit au premier choc. 

Le Diplomate

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